La Réduction de la mortalité maternelle en Haïti : un enjeu! Un défi!
En santé publique, comme dans tout autre domaine, le présent et l’avenir se construisent sur la connaissance et les expériences du passé; d’où l’importance accordée aux antécédents dans la planification de tout programme ou projet. Pour ce qui concerne la réduction de la mortalité maternelle en Haïti, l’histoire est longue : vers les années 70 la mortalité maternelle oscillait entre 1000 et 1500 décès pour 100,000 naissances vivantes, dans certains hôpitaux elle atteignait même 1800 décès. De mémoire à mon arrivée dans la région Sud vers les années 79, la mortalité maternelle à l’hôpital Saint Antoine de Jérémie atteignait 1800 et dans le district des Cayes 1394 pour 100,000 N.V. Les années 72, 73 ont vu naître la division d’hygiène familiale et la mise en place de tout un train de mesure devant conduire à l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant. Programme mieux connu sous le sigle PMI/PF protection materno infantile et planification familiale. Avec ses différentes composantes :
Le renforcement des services de santé à tous les niveaux du dispensaire à l’hôpital universitaire, par :
la réhabilitation physique des maternités, des pédiatries et parfois des cliniques externes quand il était nécessaire,
la dotation en équipements, matériels, médicaments et fournitures des susdits services,
l’affectation du personnel en quantité suffisante et la formation de ce personnel à la technique et à la gestion des soins,
l’organisation d’un service de statistiques dans tous les hôpitaux de district en vue d’améliorer la gestion de l’information
L’organisation de la communauté et l’affectation des agents communautaires pour la sensibilisation de la population; la tenue des cliniques mobiles,
Le renforcement des bureaux de district, de sous district et plus tard des bureaux régionaux.
L’adoption d’une politique publique consistant en la gratuité des soins prénatals, des urgences obstétricales et de certains soins aux enfants de moins de cinq ans,
Le suivi régulier par la supervision et l’évaluation périodique à travers les rapports mensuels et annuels.
De ce fait, des soins de qualité étaient à la disposition des femmes de toutes les couches sociales et économiques, à tous les niveaux de la pyramide sanitaire et durant tout le cycle de leur grossesse à l’accouchement et durant le post partum.
Les différentes mesures prises ont permis de faire baisser la mortalité maternelle, pour la porter en 1995 à 457 décès pour 100,000 N.V, (réf : EMMUS II). Chiffre estimé inacceptable puisqu’il était le plus élevé des régions de l’Amérique et de la Caraïbes. À cette époque trois « 3 » agences du système des Nations Unies : OPS/OMS, UNICEF, UNFPA ont décidé de faire front commun pour mieux assister le Ministère de la Santé Publique dans sa lutte pour la réduction de la mortalité maternelle. Un plan stratégique fut élaboré en accord avec le MSPP, une évaluation des besoins obstétricaux non couverts fut conduite. La réduction de la mortalité maternelle est décrétée la première priorité de santé par le Ministère. Beaucoup d’actions furent entreprises. Signalons l’arrivée des professionnels cubains vers les années 98 pour renforcer le système. Ces derniers ont été déployés à travers les dix départements sanitaires.
En l’an 2000, l’enquête de morbidité mortalité et utilisation des services EMMUS III va montré une aggravation de la mortalité maternelle qui est passée de 457 à 523 décès pour 100,000 N.V. Alarmé par la situation le MSPP décréta la santé de la reproduction non seulement la première priorité mais aussi la porte d’entrée du système de santé. En même temps fut mise en place la direction de la santé de la reproduction qui était jusque là un service au sein de la direction de santé de la famille. Le plan stratégique de réduction de la mortalité maternelle va subir certaines modifications pour mieux l’adapter aux besoins du système. Cette fois ci certaines communes du pays réunies en unité communales de santé vont bénéficier d’une plus grande attention. Beaucoup d’actions vont être entreprises Voilà qu’en 2005 l’enquête EMMUS IV nous présente une mortalité maternelle à 630 décès pour 100,000 N.V, encore une hausse.
Ce chiffre ne m’étonne nullement, quand je me remets au soir du 9 juin 2004, Ministre de la Santé Publique, j’étais en réunion aux Cayes avec le staff de l’hôpital Immaculée Conception, l’hôpital départemental, l’hôpital de référence pour l’ensemble du département, il était 9 heures du soir, quand le chef de service de la maternité prit la parole pour nous apprendre que, depuis 4 heures de l’après midi, une femme enceinte est arrivée à l’hôpital en pré éclampsie et qu’à l’heure où il nous parlait, aucune médication ne lui a été administrée, parce que les parents n’avaient pas les moyens pour se procurer les médicaments prescrits. Cela me donnait matière à réfléchir. De retour à Port au Prince, j’ai instruit la direction de santé de la famille de l’urgence pour le Ministère de la Santé Publique de se pencher, sur la faisabilité d’une politique rétablissant comme par le passé la gratuité des soins prénatals et des urgences obstétricales. Il est inadmissible qu’une femme rentre en pré éclampsie dans un hôpital et qu’elle passe 4 à 5 heures de temps sans recevoir des soins appropriés, avec tous les risques de tomber en éclampsie et de mourir ainsi que son bébé. L’évaluation a montré que cela devait coûter environ une bagatelle de douze millions de gourdes pour une année, quand on pense à tous les gaspillages qui se pratiquent dans l’administration publique.
À l’occasion de la journée mondiale de la santé, le 7 avril 2005 dédiée cette année là à la santé de la mère et de l’enfant, le Ministère a profité pour annoncer officiellement sa décision de rendre gratuit les soins prénatals dans toutes les institutions sanitaires publiques, dans le but de rompre les barrières économiques. Répondant à notre appel le Canada a fourni à deux « 2 » agences du système des Nations Unies l’UNICEF et l’UNFPA, une somme de plus de cinq (5) millions de dollars US pour assister le MSPP dans trois « 3 » départements, le Nord, le Nord Ouest et l’Artibonite durant cinq années. L’OPS/OMS a accepté de poursuivre son action dans le département du Sud. De ce fait le Ministère de la Santé avait plus de force pour présenter et faire adopter en conseil des Ministres un décret consacrant la gratuité des soins prénatals et des urgences obstétricales dans les institutions publiques, car il restait seulement six départements à couvrir par le trésor public. Ce décret adopté en juillet 2005 et effectif à partir d’octobre 2005, visait à pérenniser cette action par la dotation d’un budget au programme de santé maternelle, mais malheureusement comme tant d’autres il a été sans doute mis en veilleuse.
Cette hausse de la mortalité maternelle, j’ai dit, ne m’étonne pas, car Ministre de la Santé, je l’avais même prédite dans un de mes discours, après avoir fait le constat de l’état de délabrement des maternités des principaux hôpitaux publics du pays, le manque d’équipement, de médicaments, le manque d’encadrement du personnel et le manque de ressources humaines qualifiées depuis plusieurs années. Il est vrai qu’il existe une école de formation des infirmières sages femmes mais ces dernières ne sont pas engagées automatiquement après leur formation, quand elles le sont, elles n’étaient pas rémunérées régulièrement. à suivre.......
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