dimanche 31 août 2008

La Charte d'Ottawa, la Charte de Bangkok, repère dans la Promotion de la Santé

Conférence prononcée à l’occasion du :
32ème congrès de l’association des médecins de langue française
Et
57ème congrès annuel de l’association médicale haïtienne « AMH »

La Charte d’Ottawa

• Le Contexte

Au cours de l’assemblée mondiale de la santé de 1977, il fut décidé que le principal objectif des gouvernements et de l’OMS pour les prochaines décennies devrait de faire accéder les peuples du monde entier à un niveau de santé leur permettant de mener une vie de qualité capable d’assurer leur croissance économique.

Quelques mois plus tard en 1978, l’OMS et l’UNICEF ont pris l’initiative de convoquer une conférence à Alma Ata pour assurer le suivi de la décision de l’assemblée mondiale de la santé de 1977. 134 pays furent représentés. Comme résultat de cette rencontre ce fut l’adoption de l’audacieux objectif :
« Santé pour tous en l’an 2000 »

Dès lors les participants à la conférence d’Alma Ata ont reconnu :
– La nécessité de Mettre en place des stratégies rationnelles. La promotion de la santé s’est révélée la stratégie idéale
– La nécessité de Réallouer au profit de la santé des ressources mondiales utilisées pour le financement d’armes et des conflits armés.

Première conférence sur la promotion de la santé

A la suite de l’adoption à Alma Ata, de la PS comme stratégie idéale pour atteindre l’objectif SPT plusieurs conférences vont se succéder sur la PS. La première a eu lieu à Ottawa en 1986. Elle a réunit les pays industrialisés qui se sont engagés dès lors à :
– Se faire les avocats d’une politique favorable à la santé et à l’équité dans tous les secteurs.
– Combattre les inégalités en matière de santé et à reconnaître que la santé constitue pour toute société, un investissement capital et un défi majeur à relever

La Charte d’Ottawa

• Cette conférence a abouti à l’adoption de la première charte de promotion de la santé connue sous le nom de « Charte d’Ottawa » qui a défini la promotion de la santé comme étant :« le processus qui confère aux populations les les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et de l’améliorer »,

• Cette charte définit Les conditions préalables à la santé qui sont la paix, un abri, de la nourriture et un revenu. Elle a mis l’accent sur l’influence que peuvent avoir sur la santé des facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux, comportementaux et biologiques.
• Selon la charte d’Ottawa la PS est appelée à agir positivement sur tous ces facteurs

Finalité de la Promotion de la santé

• La finalité de la promotion de la santé consiste à réduire les écarts en matière de santé et à offrir à tous les individus les mêmes ressources et possibilités pour réaliser pleinement leur potentiel santé en leur apportant le soutien, l’information, les aptitudes et les possibilités de faire des choix sains. Le secteur santé ne peut à lui seul réaliser la finalité de la PS

Les interventions

En matière d’intervention, la charte d’Ottawa préconise une stratégie avec cinq domaines d’activité dont:
1. L’adoption par les pouvoirs publics d’une politique favorable à la santé.
• La PS doit être dans tous les agendas politiques. La législation, la taxation, les mesures fiscales, les politiques sociales.

2. La création d’environnements propices à la santé
• Dans toute stratégie ou programme de promotion de la santé on doit tenir compte de l’environnement physique, social, la protection des milieux naturels tout ce qui peut favoriser une vie saine.

3. Le renforcement de l’action communautaire
• La PS fait de la participation de la communauté une priorité dans les prises de décision,: de l’élaboration des stratégies à la mise en œuvre des actions. Citons les mouvements salubres « marchés, écoles, villes et villages etc. »

4. Le développement des qualifications
• Par l’éducation pour la santé, la PS apporte aux individus les aptitudes nécessaires pour leur permettre de faire les choix éclairés. Cette éducation se fait dans les familles à l’école, au travail, par les organisations, les média etc.

5. La réorientation des services de santé
• Au-delà du mandat de fourniture de soins, le secteur de la santé doit se donner pour tache de faire le plaidoyer pour une politique sanitaire multisectorielle. La réorientation des services en PS demande également une attention à la recherche ainsi que des changements au niveau de la formation professionnelle.
L’impact de la Charte d’Ottawa

• La déclaration d’Alma Ata ou l’objectif « santé pour tous en l’an 2000 » a trouvé son écho à partir de la charte d’Ottawa qui a établi la PS en réaffirmant que la justice sociale et l’équité constituent les préalables de la santé.
• Ottawa a été le point de départ d’une nouvelle vision de la santé. La charte d’Ottawa qui en est sortie va inspirer toutes les rencontres ultérieures sur la PS.

Définition de la santé

Il est clair que la définition la plus connue de la santé est celle de l’OMS : « la santé est un état de complet bien être physique, social et mental et non l’absence de maladie»

• Par la promotion de la santé, on a essayé de redéfinir la santé qui est perçue comme étant
– « une façon de vivre » qui permet à l’homme malgré ses imperfections d’atteindre une qualité de vie et une existence pas trop douloureuse tandis qu’il vit dans un monde imparfait ».

L’état de santé est aussi perçue comme étant :
• « une expérience de bien-être, résultant d’une équilibre dynamique qui implique les aspects physiques et psychologiques de l’organisme ainsi que son interaction avec son environnement naturel et social ».

De ces trois définitions nous voyons que celle de l’OMS a un caractère individuel, tandis que, la vision de la promotion de la santé présente une interaction entre l’homme et son environnement ce qui a un caractère plutôt collectif et dynamique.

Faiblesses de la Charte d’Ottawa

• La charte d’Ottawa produit de la première grande rencontre sur la promotion de la santé, bien qu’elle continue à inspirer les décideurs en matière de santé publique, a été plutôt théorique par rapport aux recommandations des autres conférences qui vont se révéler plutôt pratiques pour la plupart.

La conférence d’Adélaïde

• En 1988, soit deux années plus tard, fut convoquée la deuxième conférence sur la promotion de la santé à Adélaïde.
• Cette conférence à laquelle ont pris part 202 participants venus de 42 pays ont mis l’accent sur le premier des 5 domaines de la charte d’Ottawa savoir:

« Forger des politiques favorables à la santé »

• La conférence a abouti à une déclaration selon laquelle, les politiques doivent faire en sorte que l’environnement social et physique renforce la santé. Dans cette optique tous les secteurs publics : agriculture, commerce, éducation, tourisme, communication, doivent tenir compte du rôle essentiel de la santé dans la formulation de leurs grandes orientations politiques.

• Les participants à cette conférence ont établi que :
– La santé est un droit fondamental et non un simple besoin à satisfaire.
– Les gouvernements doivent fixer des buts qui mettent en valeur la PS comme stratégie permettant d’améliorer la santé.
– Par des études de cas, ils ont prouvé que des politiques favorables à la santé ont eu des retombées économiques à long terme.
• La conférence a dégagé 4 domaines d’action pour la promotion de la santé ce sont:
– La promotion de la santé des femmes
– L’alimentation et la nutrition
– Le tabac et l’alcool
– La mise en place d’environnements favorables

• Pour finir la conférence recommande que les organismes locaux nationaux et internationaux prennent les mesures suivantes savoir:

1. La Création de centres d’échanges pour promouvoir les bonnes pratiques en matière de politiques pour la santé
2. La Mise en place de réseaux de chercheurs, de formateurs et de gestionnaires de programmes pour aider à analyser et mettre en œuvre des politiques favorables à la santé.

Conférence de Genève

• Jusqu’ici les conférences intéressaient les pays industrialisés. Une conférence tenue à Genève en 1989 sur la promotion de la santé, pour la première fois a traité la promotion de la santé dans les pays en développement.

Conférence de Sundsvall

Parallèlement à ces évènements dans le domaine de la santé, une préoccupation croissante se manifeste dans les opinions face aux menaces qui pèsent sur l’environnement mondial. Dans cette optique a eu lieu la première conférence mondiale sur la promotion de la santé avec la participation de 81 pays.

Cette conférence a eu pour préoccupation le deuxième domaine de la charte d’Ottawa savoir:
« La création des environnements favorables à la santé ».

De façon pratique les participants ont identifié plusieurs exemples de création d’environnements favorables à la santé susceptible d’inspirer les décideurs.

Les participants lancent un appel à l’action qui interpelle les décideurs politiques à tous les niveaux.
La conférence a mis en évidence 4 aspects des environnements favorables à la santé : social, politique, économique et le reconnaissance et l’utilisation des compétences et connaissances des femmes dans tous les secteurs.

La conférence de Sundsvall a démontré que les problèmes de santé, d’environnements et de développement humain ne peuvent pas être dissociés.

Le développement doit passer par l’amélioration de la qualité de la santé. Seule une alliance mondiale peut sauver notre planète

Conférence de Jakarta

1997 a eu lieu à Jakarta la 4ème conférence internationale de la promotion de la santé sous le thème : « à ère nouvelle acteurs nouveaux adapter la promotion de la santé au XXI ème siècle »

Notons que nous étions à environ 20 ans de la célèbre déclaration d’Alma Ata et à 11 ans de la charte d’Ottawa.

La conférence de Jakarta est la première qui s’est tenue dans un pays en développement et qui a associé le secteur privé à la promotion de la santé. Ce fut l’occasion de
– Réfléchir sur les leçons apprises concernant l’efficacité de la promotion de la santé
– De réexaminer les déterminants de la santé
– De définir les orientations et de nouvelles stratégies à adopter pour relever les défis de la promotion de la santé au XXI ème siècle.

Déclaration de Jakarta

Les participants à la conférence de Jakarta ont adopté la déclaration suivante sur la PS au XXI ème siècle :
– La santé est un droit fondamental et un facteur indispensable au développement économique et social.
– La PS est un élément essentiel du développement sanitaire. Par la PS on agit sur les déterminants de la santé et on contribue à la croissance économique

La déclaration de Jakarta propose une vision d’ensemble et place la PS dans le XXI ème siècle.
Elle a redéfini les déterminants de la santé en considérant de nouveaux défis, tels : les tendances démographiques, l’urbanisation, l’augmentation du nombre de personnes âgées, les maladies chroniques, l’augmentation de la toxicomanie, les troubles civils, les violences, les maladies réémergentes, les troubles mentaux, la résistance aux antibiotiques et autres drogues, les nouvelles pathologies. La mondialisation de l’économie du marché et du commerce, la dégradation de l’environnement et l’accès généralisé aux média et aux techniques de communication.

Résultats des ateliers

Les travaux des ateliers ont montré l’efficacité des stratégies de PS dans la création des environnements propices à la santé.

A partir de Jakarta on sait que:
– Les meilleures approches en PS sont celles qui utilisent globalement les 5 domaines proposés par la charte d’Ottawa
– Certains cadres comme les mégalopoles, les îles, les municipalités offrent des cadres favorables à la PS
– La participation est indispensable il faut placer l’individu au cœur de la prise de décision et de la mise en œuvre de l’action
– L’apprentissage favorise la participation, il convient de développer les capacités individuelles et collectives.

La conférence a défini également les priorités de la PS au XXI ème siècle qui sont au nombre de 5:
– Promouvoir la responsabilité sociale en faveur de la santé
– Accroître les investissements pour développer la santé
– Renforcer et élargir les partenariats pour la santé
– Accroître les capacités de la communauté et donner aux individus les moyens d’agir
– Mettre en place une infrastructure pour la promotion de la santé.

Pour finir les participants ont approuvé la formation d’une alliance mondiale pour la PS. Ils ont demandé à l’OMS de prendre l’initiative de créer cette alliance qui se donnera pour priorités:
– De sensibiliser sur l’évolution des déterminants de la santé
– De soutenir le développement et la mise en place de réseaux pour le développement de la santé

– De mobiliser les ressources en faveur de la PS
– D’accumuler les connaissances sur les meilleures pratiques
– De favoriser l’apprentissage en commun
– De promouvoir la solidarité
– D’encourager la transparence et la responsabilité publique en PS

La conférence de Mexico

A l’initiative de l’OMS, de l’OPS et du Ministre de la santé du Mexique fut convoquée la 5ème conférence mondiale sur la PS en juin 2000.

Cette conférence avait pour but de démontrer comment des stratégies de PS ont contribué à accroître l’efficacité des politiques, programmes et projets de santé et de développement, en particulier, ceux qui visent l’amélioration des conditions de vie des couches les plus défavorisées.

Cette conférence était une continuation des 4 premières. Elle a combiné une composante politique a laquelle ont pris part des Ministres et une composante technique réunissant les professionnels de divers secteurs.
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Les Ministres ont signé une déclaration ministérielle sur la PS. Ils ont également lancé une alliance mondiale pour la PS à laquelle devrait participer les différents secteurs de l’état, les organisations gouvernementales et non gouvernementales, le secteur privé, les milieux académiques.

Les Ministres ont adopté les lignes directrices qui aideront les états à élaborer un plan d’action national visant à intégrer les stratégies de PS dans l’élaboration de leurs politiques.

Un projet de résolution sur la promotion de la santé fut adopté et devrait être soumis aux Nations Unies

La déclaration ministérielle

Voici l’une des résolutions les plus pertinentes de la déclaration ministérielle :

Les gouvernements doivent travailler au développement économique et social de leur pays et promouvoir l’équité, pour cela la PS devra être une priorité dans tous les programmes de santé à l’échelle nationale régionale et locale

Rapport de la composante technique

De son coté, la composante technique a fait état par des études de cas de plusieurs expériences réussies en promotion de la santé. Il y eut même des expositions d’expériences faites en PS à travers le monde.

Conférence de Bangkok

Il convient de situer la conférence tenue en 2005 à Bangkok au cœur de la mondialisation, la charte qui en est sortie définit les mesures et les engagements nécessaires pour agir sur les déterminants de la santé par la PS à l’heure de la mondialisation.

La charte de Bangkok reprend et complète les valeurs, principes et stratégies de la charte d’Ottawa et des autres conférences


La Charte de Bangkok
Elle stipule que les politiques et les partenariats destinés à donner aux communautés les moyens d’agir sur leur santé doivent être au centre du développement national et mondial.
La Charte de Bangkok s’adresse à toutes les entités concernées par les questions de santé.

La charte reconnaît la santé en tant que droit fondamental, la PS repose sur ce droit essentiel et offre un concept positif et complet de santé comme déterminant de la qualité de la vie qui recouvre le bien être mental et spirituel

La PS est conçue comme une fonction essentielle de santé publique qui contribue à la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies non transmissibles et contre d’autres menaces pour la santé

Les déterminants

De la charte d’Ottawa en 1986 à Bangkok en 2005 le contexte mondial de la PS a sensiblement évolué ainsi la charte de Bangkok va réviser les déterminants ou défis et d’autres défis vont être identifiés ce sont:
– Les inégalités croissantes à l’intérieur des pays et entre les pays
– Les nouveaux modes de consommation et de communication
– La commercialisation
– Les changements environnementaux mondiaux
– L’urbanisation
– Les bouleversements sociaux, économiques et démographiques
– La vulnérabilité des enfants, l’exclusion de certaines couches de population y compris les handicapés.

Les possibilités de coopération de la mondialisation

Par contre les participants ont reconnu certaines possibilités de coopération offertes par la mondialisation pour améliorer la santé de la population telles :
– L’amélioration des technologies de l’information et de la communication
– L’amélioration des mécanismes de gouvernance mondiale et la mise en commun des expériences réussies

Les participants ont également reconnu que, pour gérer les problèmes de la mondialisation, les politiques doivent être cohérentes à tous les niveaux, Gouvernements, organismes des NU et autres organisations dont le secteur privé. Cette cohérence renforcera la transparence et la responsabilité eu égard aux accords et traités internationaux à incidence sur la santé

Les progrès

La charte de Bangkok pose la question de progrès, les signataires pensent qu’en dépit des progrès il reste beaucoup à faire pour placer la santé au centre du développement selon les ODM. Elle pose certaines conditions nécessaires au progrès dans la mise en œuvre des stratégies de la PS. Tous les secteurs et tous les milieux doivent s’efforcer :

• De défendre la cause de la santé sur la base des droits de l’homme et de la solidarité
• D’investir dans des politiques des mesures et des infrastructures durables pour agir sur les déterminants de la santé
• De développer les capacités d’élaboration de politiques, de direction, de PS, de transfert de connaissances en santé
• De règlementer et légiférer afin d’assurer un niveau élevé de protection et de garantir l’égalité des chances en matière de santé et de bien être pour tous les individus
• D’établir des partenariats et des alliances avec le secteur public, le secteur privé, les organisations non gouvernementales et internationales et la société civile afin de mettre en place des actions durables.

Les engagements

Les 4 principaux engagements énoncés dans la charte de Bangkok sont
– Il faut placer la PS au centre de l’action mondiale en faveur du développement
– Il faut faire de la PS une responsabilité centrale de l’ensemble du secteur public
– Il faut faire de la PS un axe essentiel de l’action communautaire et de la société civile
– Il faut faire de la PS une exigence de bonne pratique au niveau des entreprises.

La charte de Bangkok pose également le problème des écarts entre la théorie et la pratique.

Résolutions

Depuis la conférence d’Ottawa, plusieurs résolutions ont été adoptées aux niveaux national et mondial à l’appui de la PS, mais elles n’ont pas toujours été suivies d’effet pratique. Les participants à la conférence de Bangkok demandent à l ’OMS de s’efforcer :
– de combler cet écart entre les textes et leur mise en œuvre, de mettre en place des politiques et partenariats pour l’action

Les participants demandent également à l’OMS et ses états membres en collaboration avec des tiers :
– d’allouer des ressources à la PS,
– d’établir des plans d’action et de suivre leur exécution au moyen d’indicateurs et de cibles appropriés et de rendre compte des progrès accomplis à intervalles réguliers. (modèle des ODM)

Les organisations des N.U sont invitées à étudier les avantages d’un traité mondial pour la santé

La charte de Bangkok propose l’établissement d’un partenariat mondial destiné à promouvoir la santé et fondé sur l’engagement et l’action aux niveaux local et mondial.

Signalons que la charte de Bangkok exprime l’avis d’un groupe d’experts mais ne correspond pas nécessairement à la politique officielle de l’OMS.

Conclusion

En guise de conclusion, voyons l’évolution de la promotion de la santé chez nous en Haïti.
Depuis 1975, la promotion de la santé a été retenue comme programme à réaliser dans le premier plan national de santé. Mais elle se réduisait en de simples activités d’éducation sanitaire au niveau des centres de santé et des hôpitaux.

Par contre dans la mission assignée aux dispensaires il est clairement écrit:

« Les dispensaires sont appelés non seulement à fournir les soins curatifs, mais surtout à promouvoir la santé dans leur sphère d’influence….. Le personnel doit être capable d’inciter les habitants à assainir leur village par le traitement rationnel des détritus et des excréments, d’immuniser les groupes d’âge les plus vulnérables aux maladies transmissibles, d’encadrer et d’assister les matrones, de donner des conseils sanitaires pour la prévention des maladies contagieuses, de s’intégrer dans le milieu et de travailler en étroite collaboration avec tous les agents qui s’occupent du développement du pays »

En 1998 ce fut l’adoption par le MSPP de la première charte nationale de promotion de la santé inspirée de la charte d’Ottawa

En 2005 avec la nouvelle loi organique ce fut la création officielle de la direction de promotion de la santé et de protection de l’environnement

Après plus de 30 ans la PS connaît encore des difficultés pour sa mise en œuvre.

Pour finir nous suggérons que les associations concernées par les questions de santé publique se mettent aux cotés de la représentation de l’OPS/OMS pour se faire les avocats de la PS en tant que stratégie idéale pouvant permettre aux secteurs sociaux d’améliorer leurs indicateurs et au pays de se positionner sur le chemin de la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance Économique.
Je vous remercie

jeudi 28 août 2008

Evolution de la Santé Publique en Haïti de 1974 à 2004

Des programmes et projets relevant du domaine de la santé publique en Haïti ont existé depuis les années 50, citons : l’éradication du pian avec le Dr François DUVALIER, l’éradication de la malaria avec le Dr Carlo BOULOS, la protection maternelle et infantile et la planification familiale avec le Dr Ary BORDES, le projet de développement intégré de Petit Goâve, le projet de développement communautaire et de santé intégrée dans le Nord Ouest et l’Artibonite la « HACHO » encore une initiative du Dr Carlo BOULOS pour ne citer que cela. cependant les actions du Ministère de la santé étaient totalement médicalisées avec quelques actions de police sanitaire.

La structure sanitaire était formée à cette époque de douze districts sanitaires relevant directement du directeur général. Chaque district était dirigé par un médecin ayant le titre d’administrateur de district, ce médecin était à la fois administrateur de l’hôpital de district et le chirurgien de cet hôpital. Il n’avait aucune formation en santé publique, aussi il ne s’occupait que de son hôpital, le reste du district était totalement négligé. Le médecin administrateur était assisté d’un chef de bureau qui lui non plus n’avait aucune formation en administration.

Il a fallu attendre les années 75, pour voir s’établir dans le pays un vrai programme de santé Publique.

En 1975, le Ministère de la Santé à la suite d’analyses approfondies de la situation sanitaire du pays, et se basant sur les directives générales et les recommandations spécifiques du plan décennal de santé pour les Amériques, élabora son premier plan national de santé caractérisé par le système de Régionalisation sanitaire. Option qui devrait permettre de corriger les défaillances des districts qui, fonctionnant sous la supervision directe de la direction générale n’arrivaient pas à répondre aux attentes des populations à desservir. Dans ce plan, la Régionalisation des services de santé fut définie comme un ensemble d’éléments ordonnés en unité organico fonctionnelles susceptibles d’assurer l’utilisation méthodique des ressources humaines, matérielles et financières confiées aux institutions de santé publiques et privées. Au plan national de santé furent également annexés les documents de planification et d’organisation des activités des différentes catégories d’institutions de santé ainsi que les normes architecturales de ces différentes catégories d’institutions.

Sous le leadership du Dr Daniel BAULIEU Ministre de la Santé furent lancées officiellement les deux premières régions sanitaires le Nord et le Sud avec la collaboration technique de proximité de l’Organisation Panaméricaine de la Santé / l’Organisation Mondiale de la Santé. Deux consultants à temps plein furent affectés à chacune des régions sanitaires, soit une infirmière et un médecin. Parallèlement furent créés et / ou renforcés des bureaux de districts sanitaires dans ces deux régions. La mise en place de la régionalisation fut suivie de tout un train de mesure. Dont

· Le renforcement institutionnel avec sa double composante :

o Le Renforcement physique de toutes les institutions sanitaires publiques des deux régions pilotes. Action qui s’est par la suite étendue aux deux autres régions.

o La Formation à la spécialisation du personnel dans le domaine de la santé publique au niveau de la maîtrise et dans les disciplines médicochirurgicales. A cette époque selon les normes le niveau de la maîtrise en santé publique était requis pour occuper une fonction de direction (centrale régionale ou de district)

o Dans le souci de former des cadres intermédiaires, furent rouvertes les écoles de formation des infirmières hygiénistes et des officiers sanitaires avec cette fois-ci une approche santé publique axée sur l’éducation et la sensibilisation de la population en vue de créer une interaction communautaire. Parallèlement 4 écoles nationales d’auxiliaires polyvalentes l’une à Port-au-Prince, la deuxième au Cap-Haïtien la troisième aux Cayes et la dernière en date aux Gonaïves ont été fondées pour pourvoir les structures de base en personnel qualifié.

L’extension de la couverture sanitaire

Dans le but d’étendre la couverture sanitaire, le Ministère a envisagé la création d’un réseau d’agents de santé communautaires et la construction de nouvelles institutions sanitaires. Avec cette approche, la dénomination dispensaire hôpital fut remplacée par centre de santé avec lit et ont vu le jour des centres de santé sans lit. Les dispensaires ont été maintenus comme étant la plus petite unité représentant avec les centres de santé, le premier échelon de la pyramide sanitaire. Les normes de couverture sanitaire furent également définies soit :

o Un agent de santé pour mille cinq cent a deux milles habitants
o Un dispensaire pour cinq mille habitants
o Un centre de santé sans lit pour dix mille ainsi de suite

L’été 1978 fut la période de l’élaboration du premier programme élargi de vaccination « PEV » et le programme national de contrôle de la diarrhée et des maladies respiratoires chez les moins de cinq ans « PRONACODIAMR ». J’ai eu la chance de participer à l’élaboration du premier document du PEV. De même je me place avec une certaine fierté mêlée de déception sur la liste des pionniers de la régionalisation des services de santé. Nommée au poste de directeur régional du Sud, j’ai eu le privilège de lancer cette région pilote qui réunissait les départements du Sud et de la Grand’Anse; puisque à l’époque le département des Nippes était inclut dans la Grand Anse. Durant dix longues années, j’ai œuvré pour le bien être de la population de ces deux départements. Cette étape de ma carrière professionnelle m’a valu en grande partie ma renommée nationale et internationale.

1978, une année chargée d’évènements pour le secteur santé, ce fut l’année où les Ministres de la Santé des divers pays réunis à Alma Ata ont adoptée la résolution de conduire leur peuple à la santé pour tous d’ici l’an 2000. Haïti représenté par le Dr Willy VERRIER, Ministre de la Santé Publique adhéra à cet objectif. Des lors des objectifs spécifiques clairs furent fixés dont nous prenons plaisir à citer deux d’entre eux :

Réduire au tiers la mortalité maternelle qui était aux environs de 1000 pour 100,000 naissances vivantes.

Porter à 50 pour 1000 naissances vivantes la mortalité infantile qui était aux environs de 156 pour 1000 N.V.


De même quelques politiques publiques simples furent établies citons pour exemple :

La gratuité des soins prénatals, des urgences obstétricales et de la planification familiale,
La gratuité de la surveillance de la croissance et la vaccination des enfants de moins de cinq ans
La gratuité des soins fournis par les agents de santé

Environ 500 agents de santé ont été formés avec l’appui financier de l’USAID et payés par le MSPP pour desservir les communautés les plus reculées. Les agents de santé recrutés avec la collaboration des autorités locales, des notables et des leaders après une double évaluation basée sur leur capacité intellectuelle et leur motivation à servir leur communauté, recevaient une formation théorique et pratique durant trois mois, après laquelle ils étaient affectés dans leur communauté respective. Ils étaient appelés à fournir gratuitement les soins primaires tels que : l’éducation sanitaire, la vaccination des enfants et des femmes enceintes, l’assainissement de base, la planification familiale, quelques soins d’urgence, le suivi des tuberculeux et la référence des patients. Ils étaient placés sous la supervision directe des auxiliaires de l’institution d’affiliation. Les normes voulaient que deux agents soient confiés à la supervision d’une auxiliaire.

Vers cette époque, certaines institutions privées sans but lucratif ont changé de statut pour devenir des institutions mixtes grâce à un apport du Ministère en matériel et en personnel qualifié dans le but de garantir la qualité des soins, d’assurer la supervision des agents de santé et le respect des politiques publiques établies. De même ont vu le jour les premières pharmacies communautaires qui représentent un effort conjoint de l’état et de la population pour mettre à la disposition des institutions sanitaires les médicaments et intrants nécessaires à la fourniture des soins.

Les hôpitaux situés de préférence dans les grandes villes siège de district ou de région disposaient des agents communautaires qui étaient engagés dans le cadre du programme de protection maternelle et infantile. Contrairement aux agents de santé ils avaient un rôle plutôt éducatif. Car ils n’étaient pas formés à la prestation des soins.

Beaucoup de contestations se firent entendre. Le personnel des institutions de santé voyaient dans l’agent de santé quelqu’un qui allait renforcer le charlatanisme et leur enlever des malades. Grande fut leur surprise de voir qu’avec des agents de santé bien formés et régulièrement supervisés, la fréquentation des institutions se trouvait augmentée.
Des le début de 1980 plusieurs nouveaux centres de santé avec et sans lit ont été mis en fonctionnement avec un équipement adéquat et un personnel qualifié et en quantité répondant aux normes dans les deux régions pilote le Nord et le Sud..

Comment ne pas mentionner après le départ des consultants de l’OPS/OMS affectés aux deux premières régions sanitaires, l’apport de l’USAID à travers la première mission technique de la MSH et l’établissement de l’agence d’approvisionnement des pharmacies communautaires en médicaments et intrants «AGAPCO. ». Cette agence sans but lucratif était appelée à desservir les institutions publiques et mixtes et les pharmacies communautaires. Plus tard les pharmacies communautaires situées en dehors d’une institution se sont révélées non fonctionnelles, elles ont été fermées pour la plupart.

En août de la même année, un groupe de médecins spécialistes en Santé Publique ont pris l’initiative de fonder la première association de santé publique d’Haïti la « ASPHA ». Ce fut le début d’une nouvelle aire. On ne peut oublier les grandes mobilisations sociales conduites sous le leadership de la ASPHA, dans les différentes villes du pays Miragoâne, Gonaïves, Cap-Haïtien, Jacmel, Les Cayes, Petit-Goave au cours desquelles autorités locales, population et travailleurs de santé s’unissent autour d’un problème prioritaire de santé : l’assainissement et la surpopulation, la lèpre, la tuberculose, la participation de la communauté à la gestion des soins de santé, l’extension de la couverture sanitaire, la malaria et l’assainissement etc. Toutes ces actions avaient pour objectif de sensibiliser les autorités sanitaires sur les vrais problèmes de santé publique qu’ils faisaient semblant d’ignorer.

De même au cours des années 80 ce fut l’intégration du service national d’éradication de la malaria « SNEM » dans les services de santé d’où une réduction des activités de lutte contre le paludisme. On passa d’éradication au contrôle. Les biens et le personnel du SNEM furent rapatriés par le Ministère de la santé.

En 1981, furent déployés les premiers professionnels en service social, initiative qui avait permis de staffer les institutions sanitaires situées en zone reculées puisque tous les postes de l’aire métropolitaine ont été soustraits du service social.

Si les premières régions pilotes ont débuté leurs activités au cours des années 76, 78, ce n’est que vers les années 82 que les régions de l’Ouest et de la Transversale ont été rendues fonctionnelles.

En août 1982, à la satisfaction de tous les travailleurs de santé publique, le premier document de politique sanitaire intitulé : les grandes orientations du Ministère de la Santé Publique et de la Population fut élaboré. Dans cette politique furent définies six grandes priorités qui ont été respectées jusqu’en 1991 et ceci en dépit de tous les changements de gouvernements. Ce furent :

· La lutte contre les diarrhées infantiles avec un volet eau assainissement de base. Le projet poste communautaire d’hygiène et d’eau potable « POCHEP ».

· La lutte contre les maladies contrôlables par la vaccination, le programme élargi de vaccination « PEV »

· La surveillance nutritionnelle

· La lutte contre la tuberculose

· La protection maternelle et infantile et la planification familiale

· Le contrôle de la malaria

A partir de 1982 fut instituée la plaque de l’an 2000. C’était un hommage que faisait le Gouvernement haïtien et la Représentation de l’Organisation Panaméricaine de la Santé/ l’Organisation Mondiale de la Santé au district sanitaire le plus performant. Chaque année à l’occasion du 7 avril, la plaque était remise à un district et le nom du district était gravé sur la plaque. Un même district pouvait gagner la plaque deux et même trois années de suite suivant son niveau de performance. Ce fut le cas du district des Cayes que je dirigeais à l’époque.

En 1983 fut adopté par décret un nouveau cadre légal d’organisation et de fonctionnement du Ministère de la Santé (loi organique), ont été également introduit plusieurs stratégies innovatrices dans le but d’augmenter la couverture vaccinale : ce sont les vaccinateurs à cheval pour les zones inaccessibles, les journées communales, les postes de rassemblements tenus par des agents de santé. De fait la couverture vaccinale des moins de cinq ans atteignait les 80% dans certaines régions du pays et même 100% dans certaines communes.

Suite à une coupure inattendue du budget de la santé pour l’exercice 1982 – 1983 survinrent des difficultés énormes pour l’approvisionnement des institutions avec les risques de blocage du programme des agents de santé qui jusqu’ici prodiguaient des soins primaires gratuitement à la population, fut implantée dans la Région Sud, une stratégie nouvelle qui consistait à la mise en place d’une pharmacie de village par agent de santé. Cette pharmacie qui disposait des six médicaments autorisés pour l’agent de Santé était gérée par un comité communautaire de trois membres qui achète les médicaments sur recommandation de l’agent et vend sur prescription de ce dernier. Ces pharmacies comme les agents de santé recevaient la supervision des auxiliaires. Certains services continuaient à être gratuits comme la vaccination, la vitamine A, la planification familiale, l’éducation sanitaire.

Le premier plan national de santé prévoyait six régions sanitaires, par la suite avec le découpage national fait par le Ministère de la planification à partir des études socio - culturelles et économiques minutieusement conduites, l'état haïtien adopta pour l'ensemble des secteurs, quatre régions. Le Ministère de la Santé a du suivre cette même structure géographique afin de bien harmoniser les actions. Dans chaque région fut créé le comité de coordination régional sous le leadership de la Direction Régionale de la Planification.

De 1984 à 1990, la population s’est soudée au Ministère de la Santé Publique, dans des campagnes et journées intensives de vaccination et d’éducation sanitaire afin de faire reculer les maladies infantiles contrôlables par la vaccination et la diarrhée. Dans plusieurs villes du pays la première journée intensive de vaccination le 24 octobre 1985 pour commémorer la journée des Nations unies, a été placée sous le patronage de l’Église. Les premières doses de vaccin contre la polio ont été administrées par un prêtre ou un pasteur.

Aux Cayes, la région que je dirigeais, ce fut à la lumière de l’Évangile de l’Exode chapitre douzième les quatorze premiers versets (12,1-14) que le Curé de la Cathédrale procéda au lancement de cette première journée.

Commentant ce passage de l’évangile, dans son homélie de circonstance, le prêtre fit une double comparaison : la première entre les maladies de l’enfance et le fléau destructeur, la deuxième entre le sang de l’agneau et le vaccin. Selon cette comparaison les vaccins remplacent aujourd’hui le sang qui était posé sur les linteaux des maisons. De là il invita la population à répondre à l’appel des responsables de santé pour faire de cette journée une réussite. La réponse de la population a été tout à fait positive. Sous une pluie battante, ce fut un jour de congé, commerçants et fonctionnaires ont gagné les rues avec leur véhicule pour assurer le transport des enfants de leur résidence au poste de vaccination et vise versa. La journée a connu le plus grand succès.

Tout au long de cette lutte pour la santé, l’Église par l’intermédiaire de ses Ministres prêtres et pasteurs, en dépit de leur position vis-à-vis du pouvoir politique en place à l’époque n’avait jamais négligé de s’engager dans toutes les activités visant l’amélioration des conditions de vie du peuple haïtien.

1986 la fin du régime des Duvalier marque un nouveau tournant dans l’histoire de la santé publique en Haïti. Avec l’instabilité politique trois Ministres de la Santé en deux ans et les vagues de déchoucage et de protestations ont entraîné le départ de beaucoup de techniciens dans les institutions périphériques. Malgré cette période tumultueuse, le secteur santé a pu bénéficier en 1988 d’un crédit de la Banque Mondiale pour financer un projet de décentralisation dans la région sanitaire de l’Ouest qui réunissait les départements de l’Ouest et du Sud Est, le « First Health Project MSPP/IDA/BM », comme son nom l’indique ce fut le premier projet de santé financé par L’Agence Internationale de Développement une branche de la Banque Mondiale.

En 1990 dans le cadre du susdit projet, les normes architecturales et organisationnelles furent remaniées pour mieux les adapter aux nouvelles priorités et aux besoins d’une population croissante. Des études furent conduites pour la restructuration de l’AGAPCO. À la même époque et sous financement de ce projet fut préparé et mis en exécution le premier programme national de lutte contre la tuberculose ainsi que le renforcement du programme de lutte contre le SIDA.

De 1975 à 1990 seize années, le Ministère de la Santé a connu quinze Ministres, sans rien perdre de ses capacités d’action, car la politique de santé a demeuré inchangée de même que les stratégies. A part les mouvements populaires de déchoucage, le personnel tant technique qu’administratif compétent et honnête était respecté de toutes les autorités politiques qui avaient foi dans les valeurs.

Les retombés de toutes ces actions

Quels furent les retombés de ces actions de santé publiques sur le niveau de santé de la population ?

Ces différentes actions positives ont permis en Haïti l’élimination de la polio vers les années 90, la diminution du nombre de cas de rougeole, de diphtérie, de coqueluche, de tétanos et de diarrhée.

De façon pratique, prenons un indicateur pour lequel nous disposons des informations sur toute la période. La Mortalité infantile. L’engagement pour l’an 2000 (santé pour tous en l’an 2000) que l’on croyait être une utopie, était de ramener la mortalité infantile au plus à 50 pour 1000 naissances vivantes dans tous les pays du monde. Plusieurs pays ont dépassé ce chiffre.

En Haïti : cette mortalité est passée de 208 / 1000 en 1975 au début de l’aire de la santé publique à 156 / 1000 en 1985 soit dix années après, à 110 / 1000 en 1990 soit cinq années après et à 74 en 1995. Ces chiffres sont tirés des statistiques de santé et des enquêtes EMMUS.

Signalons qu’au cours de la période 90- 98, le système de surveillance sentinelle n’a rapporté aucun cas de polio, les autres maladies contrôlables par la vaccination telles que rougeole, diphtérie, coqueluche, tétanos étaient en nette régression, il en est de même que pour la diarrhée infantile. En 1993 Haïti a signé avec les pays de l’Amérique la certification de l’éradication de la polio dans la Région.

La situation à partir de 1991

De février à septembre 1991 le Ministère de la Santé Publique a connu deux Ministres. Toutefois, juillet 1991 reste une date inoubliable dans la mémoire des professionnels de la santé publique. Alors qu’une commission de techniciens chevronnés travaillait sur le plan de réforme administrative du secteur, par une circulaire du Titulaire de ce Ministère, toutes les structures de gestion du système centrales, régionales et de district ont été fermées et les dirigeants mis en disponibilité. Au grand mépris des normes existantes, à la direction de certaines régions et certains districts sanitaires, le spécialiste en santé publique était remplacé par un jeune médecin sans aucune expérience et parfois même un finissant du service social. Ce fut la fin de la santé publique en Haïti. Frustration!!! Déception!!! Découragement!!! On ne trouve plus de mot pour qualifier ce qui s’était passé.

Cette action n’a pas manqué de susciter la colère et l’indignation des professionnels de santé publique qui avaient investi leur temps et leur savoir dans des conditions parfois très difficiles loin de leur famille. Protestation écrite de l’association de santé publique d’Haïti la ASPHA, une lettre ouverte fut envoyée au Ministre de la Santé avec copie à toutes les instances nationales et internationales concernées par les questions de santé publique dans le pays. Ce fut la même année où les religieuses furent renvoyées de certaines institutions publiques comme l’HUEH, au mépris du contrat qui liait leur congrégation à l’État haïtien. La centrale autonome de médicaments (AGAPCO) fut fermée, ce qui a paralysé les études en cours pour sa restructuration.

Deux mois plus tard, ce fut le coup de force militaire qui renversa du pouvoir le Président de la République avec tous les problèmes qui se sont suivis; La non reconnaissance du Gouvernement provisoire par la Communauté internationale, l’embargo commercial, l’arrivée de l’aide humanitaire, l’affaiblissement de l’État pour le secteur santé, puisque les structures étaient déjà disloquées et le personnel cadre renvoyé. Pour venir en aide à la population, la communauté internationale renforce son action au niveau des ONG qui se multiplient. Beaucoup de spécialistes de santé publique au chômage vont regagner les rangs des ONG puisqu’ils n’avaient jamais développé une pratique privée lucrative en raison de leur mobilité pour servir leur pays.

En trois ans le pays va connaître trois Gouvernements et le Ministère de la Santé trois Ministres. Les institutions de santé malgré les difficultés ont tenu bon mais les programmes ont été frappés de plein fouet avec un ralentissement considérable de leurs activités. La communauté internationale tente de relever le défi, à travers ses actions d’ordre humanitaire, mais ces gestes étaient qualifiés d’ingérence par les autorités nationales en place.

En quoi consistait l’aide humanitaire qui a fait couler tant d’encre?

J’ai eu l’occasion de participer au comité de gestion de l’aide humanitaire en santé sous la direction de la Représentation de l’OPS/OMS. Dès le départ j’avais posé les conditions de ma participation. Je n’accepterais aucune discrimination. L’aide en santé doit parvenir à tout type d’institutions à but non lucratif qu’elles soient privées ou publiques. La différence doit être faite entre ceux qui ont créé, qui maintiennent l’instabilité politique dans le pays, qui en profitent et la population haïtienne victimes de cette instabilité.

De la sorte nous avions pu garantir un minimum de services à la population en fournissant aux institutions tant privées que publiques des médicaments du matériel et des intrants de toutes sortes. Nous avons même consenti moyennant la couverture d’une ONG des réparations physiques à certains centres publics. Pour exemple, le sanatorium des Cayes avec l’aide du Rotary Club des Cayes a été réhabilité à partir des fonds de l’aide humanitaire. Des sessions de formation à la gestion des médicaments ainsi que des projets sociaux : construction de latrines sanitaires et de petits systèmes familiaux d’eau potable en milieu rural furent conduits dans le Far West avec la collaboration de l’initiative de développement, de la Child Care Haïti et le comité Bienfaisance de Pignon pour ne citer que les principales ONG. Mais la liste des bénéficiaires est longue.

Cependant, il faut avouer qu’une telle performance nous a valu une double dépense d’énergie et de temps. Je me permets de saluer le courage de mon ami Jean Claude TROUIN, un canadien avec qui j’ai fait le tour du pays à la visite des institutions en vue d’informer certaines et d’apporter les intrants nécessaires à d’autres qui ne disposaient pas des moyens de se déplacer. Ce fut pour moi une nouvelle expérience parmi tant d’autres.

Les réflexions du comité de gestion de l’aide humanitaire étaient profondes, pour ne pas détruire le système de recouvrement des coûts existant dans le pays et déstabilisé le secteur, le comité avec le consentement des bailleurs de fonds de l’aide humanitaire a pris l’initiative de mettre en place la centrale de médicaments PROMESS. Une institution a but non lucratif qui travaille à rendre disponible les médicaments et les intrants nécessaires au bon fonctionnement du secteur santé. Cette institution était gérée par la Représentation de l’OPS/OMS assistée d’un comité de gestion dont je fus la présidente. A cette même époque une équipe composée du Dr Myrtha LOUISSAINT, de Madame Adrienne SALOMON, de Monsieur Frantz LAMOTHE, des amis de la CAT et votre serviteur a lancé le schéma de traitement de courte durée de la tuberculose sous financement de l’OPS/OMS. Cette action était programmée dans le projet de la Banque Mondiale mais bloqué en raison de l’embargo

Au retour à l’ordre constitutionnel après trois années de lutte pour la survie du secteur, l’État était devenu trop faible pour faire face au secteur privé qui s’est lui-même consolidé parce qu’il disposait non seulement des ressources financières de la coopération internationale mais aussi des ressources humaines qualifiées en la personne des anciens cadres du Ministère. Sans oublier la multiplication des ONG durant les trois années. Au lieu de mettre en place une stratégie pour contourner cette difficulté les dirigeants du Ministère de la Santé sans tenir compte de leurs faiblesses, ont préféré se lancer dans une lutte secteur privé secteur public pour le grand malheur du secteur santé déjà disloqué. A la même époque ils se sont lancés dans une réforme administrative sans planification, départ volontaire mise à la retraite anticipée. À croire des employés témoins de cette réforme, un beau matin, certaines institutions étaient totalement bloquées et les responsables ont du faire appel à un personnel informel pour pouvoir donner des soins aux patients. Dès lors a réapparu au sein des institutions sanitaires le régime de « personnel à gage » éliminé en 1986 – 1987, avec le Dr Michel LOMINY Ministre.

Ce bouleversement des structures de gestion et de prestation des services de santé a pesé lourd sur le secteur. Malgré les résultats favorables de l’enquête de morbidité et de mortalité de 1995, il faut toujours attendre au moins cinq ans pour mesurer l’impact en santé. En effet à la fin de l’année 2000 plusieurs cas de paralysie flasque (polio suspecte) ont été identifiés, heureusement qu’il ne s’agissait pas du retour du virus sauvage, mais plutôt une contamination à partir de virus vaccinal. Tout de même ceci était du à une accumulation des susceptibles en raison de la baisse de la couverture vaccinale chez les moins de cinq ans. Des poussées de rougeole avec un nombre élevé de décès ont été enregistrées dans plusieurs départements sanitaires. Les institutions de santé périphériques pour la plupart ont perdu leur staff, le personnel renvoyé ou déchouqué. L’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti « HUEH » la principale institution de référence est devenu ingérable. La population a perdu confiance dans les institutions publiques, en même temps les privées non lucratives n’offrent pas le standard désiré. Les malades les plus pauvres sont aux abois. Les autorités de santé n’ont aucune crédibilité. Les jeunes professionnels spécialistes en santé publique n’ont plus le même engouement pour gagner les rangs de la fonction publique. À moins d’occuper la fonction de Ministre ou de directeur général, pour la majorité ils préfèrent bosser en privé dans les organisations internationales, les grandes ONG ou ouvrir leur propre cabinet de consultation. Beaucoup de spécialistes en médecine clinique refusent d’emblée les postes de province, car sous la manipulation de certains politiciens le « déchoucage » était le phénomène courant dans toutes nos villes de province.

Entre temps, les facteurs déterminants de la santé : la paix, l’éducation, l’alimentation, l’économie, l’écosystème, l’habitat poursuivent leur dégradation. Malgré les efforts déployés par les dirigeants du Ministère de la Santé, campagne de vaccination, élaboration de nouvelle politique, adoption de nouvelle stratégie « UCS » par exemple, construction de certains centres, les principaux indicateurs comme la mortalité infantile et la mortalité maternelle accusent une tendance à la hausse, la couverture vaccinale reste très faible avec pour conséquence des poussées de rougeole et de diphtérie dans les différentes communes du pays.

La mortalité maternelle est passée de 457 pour 100,000 naissances vivantes NV en 1995 à 523 pour 100,000 NV en 2000,
La mortalité infantile est passée de 74 pour 1000 naissances vivantes NV en 1995 à 80.3 pour 1000 NV en 2000,
La couverture vaccinale oscille entre 30 et 35 % chez les moins de cinq ans, tandis qu’elle atteignait les 80 à 90% les années 90.

A partir des années 97, deux nouveaux fléaux sociaux ont pris place au tableau des dix premières causes de mortalité il s’agit : du VIH/SIDA qui occupe la première place dans la mortalité chez les jeunes, mais se retrouve également chez les moins de cinq ans et les plus de cinquante ans et de la violence sous toutes ses formes. A ce compte il convient de souligner la faiblesse des statistiques puisque les médecins avaient peur de compléter le certificat quand le décès était associé à une cause violente. Des fois on ne trouvait sur le formulaire qu’un « B » qui signifiait balle dont on ignore l’origine. De plus comment ne pas citer le phénomène de la drogue comme facteur favorisant cette violence aveugle et les maladies mentales qui suivaient une courbe ascendante.

C’est dans cette situation sanitaire chaotique que va s’installer la période de transition proprement dite, car la réalité est qu’en 2004, nous étions à la dix huitième année du départ de Duvalier. Comme vous le voyez il n’y avait pas de surprise pour une personne qui suivait d’année en année l’évolution de la situation sanitaire du pays. Si j’avais accepté la fonction de Ministre de la Santé je l’avais fait en connaissance de cause avec une nette détermination de servir mon pays que j’aime et que j’estimais être dans un bourbier.

Je veux signaler combien réconfortant fut pour moi le discours du Président René PREVAL à l’investiture de son premier cabinet ministériel le 9 juin 2006, quand il a reconnu les erreurs du passé et a recommandé à son Gouvernement le respect des cadres de la fonction publique, qui sont pour la plupârt très compétents. Pour l’histoire en 1991 lors du chambardement de l’administration publique, le Président PREVAL était Premier Ministre et le Ministère de la Santé était confié à un membre actif de la PANPRA, aujourd’hui la PANPRA est membre du groupe FUSION des socio démocrates qui a la direction de ce Ministère.......

Le Président PREVAL selon toute logique dans son deuxième mandat a atteint une grande maturité, car reconnaître ses erreurs c’est grand, être capable de les confesser publiquement c’est une preuve de grandeur d’âme. Malheureusement, de ceux là ou celles là qui s’adonnent à la politique chez nous rares sont les personnalités qui sont capables de s’élever à une telle dimension.
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samedi 23 août 2008

L'aide internationale un cauchemar pour le peuple haïtien

Hier sur une station très écoutée de la capitale, j’ai entendu dire que 90% de l’aide externe est dépensée par les organisations internationales elles mêmes. C’est grave.
À entendre cela on aurait tendance à croire que ces pays amis ne veulent pas le bien être du peuple haïtien. Car seul un État fort peut garantir le développement d’un pays.

Mais avant de conclure et pour mieux comprendre, voyons à travers le temps l’évolution de l’aide internationale au pays en dehors des prêts.

Par souci de dire la vérité, j’ai toujours tendance à utiliser le secteur santé, que je connais très bien. Personnellement j’ai vécu la période au cours de laquelle il n’existait pas les multiples ONG, l’aide financière internationale en santé était très restreinte mais dirigée directement vers l’État et certaines entités religieuses ou humanitaires comme les Églises catholiques ou protestantes et la Croix Rouge Haïtienne. Nous étions vers les années 70.

Vers les années 80, la mauvaise utilisation de certains fonds attribués au Ministère de la Santé Publique et de la Population, a porté le principal donateur, l’USAID à canaliser son aide directement aux régions sanitaires. Le niveau central réalisait l’audit interne et recevait les rapports d’utilisation des fonds qu’il acheminait au donateur

A partir de 1992, en raison de l’embargo commercial sollicité par le Président Aristide contraint de prendre l’exil, la communauté internationale, pour venir en aide aux couches défavorisées du pays a eu recours aux ONG pour la distribution de l’aide humanitaire . Cette stratégie a eu pour conséquence la multiplication anarchique de ces entités. Le pays revenu à l’ordre constitutionnel, avec le retour du Président Aristide ce serait immoral de la part de la communauté internationale de lâcher tous ses partenaires ONG.

L’État a essayé de se battre contre les ONG, mais il n’avait pas les moyens de sa politique. Il était devenu trop faible techniquement, suite au renvoi de ses cadres. Il se trouvait même dans l’impossibilité d’assurer une bonne coordination de l’aide donnée aux ONG. Au fur et à mesure le désordre s’installe dans l’administration publique, pour s’étendre aux ONG. Des fonds avancés tant au Ministère de la Santé Publique qu’à certaines ONG en santé sont souvent mal utilisés ou utilisés à d’autres fins. Nos dirigeants se contentent de répéter à tout venant il faut renforcer l’État, il faut coordonner. Qui va coordonner? Comment et quand? Reste les grandes questions à se poser. La communauté internationale a fini par perdre confiance dans l’État comme dans les ONG.

Un fait est certain, il reste un peuple affamé qui crie au secours. Il faut de toutes les façons venir à son aide. C’est là, que se joue le droit à l’ingérence humanitaire.

Voilà qu’un dirigeant sérieux, en raison de la maladresse de ses compatriotes, se voit infliger la triste réalité d’accepter toutes ces actions d'ingérence que nous qualifions d'irrégularités, ne serait ce que pour pouvoir offrir certains services à la population envers laquelle il a une grande responsabilité.

Nous n’avons pas à rechercher ailleurs les raisons qui ont porté la communauté internationale à réagir de la sorte. Nous sommes les artisans de notre propre malheur. Je pourrais même illustrer tout ce que je viens de dire par des exemples concrets.

Nos dirigeants doivent se résigner à mettre de l’ordre dans l’administration de l’État. Il faut de la rigueur dans la gestion de la chose publique, si nous voulons regagner la confiance internationale. Sinon nous sommes condamnés à essuyer ces insultes. Ce n’est ni le rôle ni la responsabilité de la communauté internationale de bien gérer notre pays. Ceci est de la responsabilité de l’État. Pour cela il faut à toute Nation un État soucieux et responsable, des dirigeants sérieux et honnêtes qui ne rêvent que le bien être de leur peuple.

Personne ne peut se fermer les yeux ou se taire sur cette triste réalité, par peur de froisser des amis ou des connaissances. Nous sommes tous concernés. Aujourd’hui la communauté internationale n’a confiance en personne en Haïti. Les femmes et les hommes honnêtes doivent dire non à ces irrégularités qui mettent à genoux notre pays et font souffrir notre peuple. Il faut mettre de l’ordre dans ce pays. Contrairement à ce que l’on croit, la majorité des haïtiens ne rêve que de cela, car ce désordre est la source de notre misère et de toutes nos douleurs........

Extrait du discours prononcé au colloque des partis politiques sur la VIH/SIDA

Mesdames Messieurs,

Dans le domaine du SIDA, le Gouvernement de transition se réjouit d’avoir pu non seulement mobiliser des fonds pour une période allant jusqu’à 2012 mais aussi d’avoir tout mis en œuvre pour renforcer l’autorité du Ministère afin de garantir une meilleure coordination des actions. Vous devez comprendre avec moi, que ce n’était pas une tâche facile; quand les mauvaises habitudes s’étaient déjà implantées. Aussi, je veux rendre un hommage bien mérité à tous les partenaires nationaux et internationaux qui, par leur sagesse ont su supporter le Ministère de la Santé dans cette initiative. Je me garde de les citer. Ils sont si nombreux que je risque d’oublier un et faire des mécontents. Mais ils se connaissent.

Maintenant, il reviendra à vous futurs dirigeants du pays de continuer l’œuvre initiée en faisant preuve d’une gestion saine, transparente et rigoureuse afin de renforcer chaque jour davantage la confiance de nos partenaires internationaux vis-à-vis de l’état haïtien en vue d’atteindre l’objectif tant souhaité, que le Ministère de la Santé Publique devienne un jour le récipiendaire principal dans la gestion des ressources financières du Fonds Mondial.

Mesdames Messieurs, les candidats et membres de partis politiques engagés dans la course électorale je vous invite à vous engager également et avec le même engouement dans la lutte contre le VIH / SIDA, ce fléau mondial qui soutient la pauvreté et qui fait souffrir physiquement et moralement. Ce sera justice rendue à vos mandants.

Sur ces mots, je vous souhaite bonne chance aux prochaines élections et je déclare ouverte la session de travail.

lundi 4 août 2008

Ma première visite officielle à Petit Goave comme Ministre de la Santé

Ma première visite à Petit Goâve


Nous sommes au jeudi 21 octobre 2004, en pleine opération Bagdad qui a débuté le 30 septembre, je reçois la visite d’un grand ami de la famille, le Révérend père Miguel Auguste qui me parla en ces termes :

« Makomè sove m’ se sou ou mwen konte, mwen wè plizyè Minis deja men mwen gen asirans ke wap ede m’ jwenn yon solisyon »

Après quelques minutes d’échange, nous avons conclu une visite à Petit Goâve pour le samedi 23 octobre. À l’époque sous la pression de la population, toutes les portes de l’administration publique de Petit Goâve étaient fermées, le commissariat de la ville occupé par des militaires démobilisés et la route nationale conduisant aux Cayes fermée à hauteur du morne Tapion. Père Miguel ajouta je viens vous rencontrer à Grand Goave. Pour la visite nous aurons la radio et une chaîne locale de télévision.

Rentré le soir à la maison comme d’habitude, j’ouvre la télévision et la TNH qui annonce un changement de cabinet ministériel. Heureusement j’ai été reconduit. Le vendredi après l’investiture, j’aborde mon collègue de l’éducation nationale pour lui dire : je sais que tu ne te portes pas bien, demain je vais à Petit Goâve, il y a beaucoup de problèmes au lycée si tu m’autorises, je peux rencontrer pour toi les responsables et je te ferai le rapport. Il m’a répondu merci Josette, tu peux leur dire de faire préparer des bancs, cela créera certains emplois dans la ville le Ministère va leur envoyer de l’argent toutes les dispositions sont prises.

Arrivé chez moi le soir j’appelle un cousin pour lui dire que j’allais le lendemain à Petit Goâve car je n’osais en parler à mon frère Victor. Mon cousin m’a demandé où vas-tu passer, la route est bloquée à hauteur de Tapion. J’ai dit bon je vais voir.

Le samedi nous laissons Port au Prince très tôt, déjà à Carrefour j’appelle père Miguel pour lui dire que j’étais en route. Pour ce voyage j’étais accompagnée du Docteur Joël Deas, responsable du programme VIH/SIDA. Quelques minutes après, nous voilà à l’entrée de Grand Goâve où, une délégation composée du père Miguel, d’un groupe de militaires démobilisés et quelques jeunes de Grand Goâve nous attendait. Je fis mon premier arrêt pour saluer le groupe de Grand Goâve. Nous poursuivons notre route, bien escortés par deux véhicules montés de militaires démobilisés lourdement armés

A Petit Goâve nous devons dire que la visite était intelligemment préparée, les militaires nous ont conduit à l’hôpital, là je visite les locaux avec un employé qui était venu juste pour m’accueillir, car l’hôpital n’avait ni directeur médical, ni administrateur. Ce fut l’occasion pour moi de constater l’état de désolation dans lequel se trouvait ce centre hospitalier public, l’unique hôpital disposant des quatre services de base et qui dessert tout un arrondissement. Bâtiments vétustes, manque de matériels, d’équipements, de personnel et tout.

Je laisse l’hôpital pour me rendre au lycée Faustin Soulouque où les responsables m’attendaient. Nous étions en réunion quand une manifestation a débuté sur la cour de l’école. Père Miguel a vite fait de contrôler ce qui se passait. Il revient nous annoncer que les élèves veulent eux aussi me rencontrer. J’ai demandé au père Miguel de leur dire que je veux bien le faire, mais il faut cesser les manifestations, qu’ils rentrent dans une salle de classe et moi je viens les trouver sitôt que j’aurai fini avec le directeur. Ils ont obéi. Immédiatement après la réunion, je descends les rencontrer. Ils étaient tous assis par terre et moi debout car il n’y avait aucun banc dans les salles de classe. Après avoir écouté les élèves comme j’avais déjà visité le local, notre délégation se dirige vers la résidence du père Miguel pour rencontrer une organisation de jeunes. Avec eux nous avons eu quelques minutes de discussions pour conclure qu’une équipe du Ministère de la santé viendra travailler, pour définir avec eux des projets à mettre en place dans le but d’améliorer leur condition de vie comme ils le souhaitent.

Père Miguel de me dire maintenant tu vas expliquer à la radio le but de ta visite, j’ai accepté. D’ailleurs je n’avais pas le choix, car, j’avais l’impression que j’étais prise en otage par le père Miguel. Heureusement qu’il n’avait pas eu l’idée de me demander des choses qui sont contraire à la morale que je tenais à respecter.

A la sortie de la station de radio il m’a encore dit : les militaires souhaitent te rencontrer au commissariat. J’obéis, il faut aller jusqu’au bout de ta mission Josette, je me suis dite. Arrivé au commissariat j’étais très surprise de voir que le chef de ce groupe était un de mes anciens employés à Belvil. C’était facile de détendre l’atmosphère un peu hostile au Gouvernement qui, selon eux n’a pas tenu ses promesses envers ceux qui ont lutté contre la dictature d’Aristide. La visite des locaux m’a édifié sur la situation dans laquelle vivent ces hommes. Pour finir la visite j’ai demandé une rencontre avec le chef. Ce fut l’occasion pour moi de leur expliquer la politique du Gouvernement, notre mission qui n’est pas de refaire l’armée. Par contre nous avons la volonté de les aider à se réinsérer dans la vie sociale économique et même politique. Je les ai exhortés à la discipline parce que le désordre ne va nous amener nulle part sinon à la catastrophe. Ils ont l’air de me comprendre et c’est sur cette note que j’ai laissé le commissariat.

Nous sommes retournés chez père Miguel pour prendre le lunch. Après le lunch père Miguel me dit ma commère il reste une dernière étape. Il faut rencontrer les militants révolutionnaires. Je n’ai pas rechigné. Cette réunion qui s’est tenue dans un bordel était vraiment houleuse. Joël et moi nous nous sommes retrouvées face à une cinquantaine de jeunes et moins jeunes la plupart avaient une arme de poing. Ils étaient tous très nerveux. Ils nous reprochent d’être arrivé en retard. Père Miguel leur avait donné rendez vous à une heure, nous sommes arrivés à deux heures. Cette rencontre m’avait permis de mesurer mon degré de tolérance vis-à-vis des autres, en particulier les jeunes.

Je commence par détendre l’ambiance devant leur état d’énervement. J’ai pris le temps de les écouter se défouler et moi j’essaie de comprendre ce qu’ils voulaient. Finalement le chef m’a dit : j’ai lutté pendant trois années contre la dictature d’Aristide, j’ai abandonné mes cours, quand j’ai vu que les manifestations ne pouvaient pas donner de résultat j’ai pris les armes. Voilà aujourd’hui je n’ai rien bénéficié après tous ces sacrifices. Personne du Gouvernement n’est venu nous parler. J’ai ajouté me voici, je suis ici pour représenter deux Ministres de plus je peux transmettre les messages aux autres collègues. Ils ont présenté leurs doléances, le chef du groupe a repris : pourquoi je ne peux pas trouver une bourse pour aller étudier. Signalons que c’est un bonhomme qui avait fait son baccalauréat deuxième partie au lycée Faustin Soulouque. J’ai répondu : je peux vous trouver une bourse d’études mais il faut qu’il y ait de l’ordre. Le désordre dans les rues ne peut profiter à personne

J’ajoute : aujourd’hui est samedi, lundi vous ouvrez toutes les portes de l’administration publique, ce soir même vous libérez la route du Sud, vous cessez les manifestations violentes. Des véhicules confisqués je n’en ai pas fait mention. Du côté du Gouvernement nous allons tout mettre en branle pour vous donner certaine satisfaction. Ils ont fixé la date du 7 novembre pour constater quelques changements.

De fait arrivé à Port au Prince j’ai contacté d’autres collègues Ministres et le secrétaire d’état aux finances qui m’ont promis de m’aider, de même des amis responsables d’ONG et d’organisations internationales se sont joints à moi la semaine qui suit une équipe technique du Ministère de la Santé a fait le déplacement vers Petit Goave pour réfléchir avec les deux groupes de jeunes ce qu’il y a lieu de faire.

Du côté des jeunes révolutionnaires, ils ont respecté tous les engagements. Huit jours après le chef a décidé de venir à mon bureau pour m’apporter symboliquement les clefs d’un véhicule du Ministère de l’Environnement que son groupe avait séquestré. Il est arrivé accompagné de père Miguel. Il m’a saluée la tête baissée, alors je l’ai regardé et je lui ai dit : tu peux m’embrasser tu es mon fils. Il a souri. Et moi je lui fis la question suivante : tu dis que tu aimerais avoir une bourse, qu’est ce tu veux étudier?

Il m’a répondu quelque chose pour pouvoir à mon retour aider les autres jeunes. Ce garçon depuis ce jour a changé, il est actuellement en troisième année à l’université, il étudie la médecine. D’ailleurs comme tant d’autres il m’appelle « manman ». Un jour commentant avec moi les évènements de Cité Soleil il m’a dit : moi à un moment donné j’avais pris les armes pour défendre une cause, mais eux qu’est ce qu’ils veulent?

Encore une fois je remercie le Bon Dieu pour ce mal courage et cette patience qu’il m’avait donnés au cours de ces deux années.

Que sont devenus les autres jeunes? trois mois après ils ont commencé à remettre leurs armes. Certains ont repris les chemins de l’école, d’autres ont réintégré la vie normale, plusieurs ONG et Organisations Internationales ont pu établir des projets de création d’emplois dans la commune; en d’autres termes la vie avait repris. Malheureusement il n’y a pas eu de suivi de toutes ces actions après la transition, même la maison des jeunes conçue pour apporter un encadrement aux jeunes, surtout les plus vulnérables est restée inachevée et non fonctionnelle.